COMMENT GÉRER L’IMPRÉVU SUR SCÈNE TOUT EN RESTANT CENTRÉ.E ?
– “Et là, un ange passe …”
Qui n’a jamais raconté en ces termes ce moment de grande solitude dans lequel on se retrouve lorsqu’un imprévu vient s’inviter sur notre scène, face à notre public, dans notre performance, notre pitch, au moment T ou M ?
L’imprévu est ce moment où le connu bascule vers l’inconnu.
Des moments de solitude sur scène, j’en ai connus des grandioses (ma corde qui casse en plein show), des inconfortables (mon retour son sur scène qui ne fonctionne plus), des ubuesques aussi (un stagiaire technicien lumière en plein spectacle qui braque le projecteur sur moi 5 secondes trop tôt et m’illumine en train de remettre mon string en place tout en vérifiant ma braguette, tout ça devant 1600 personnes … 😳 ).
Il y a également les imprévus de dernière minute. Un changement d’horaire, de lieu, un retard de train, une intoxication alimentaire … toutes ces choses qui viennent nous perturber et rajouter une charge émotionnelle à celles déjà engagées dans la préparation et la gestion de la performance.
L’imprévu est par définition non prévisible et il peut, parce que la vie est mouvement, se présenter de 12000 manières différentes …
2 choix se posent alors : Subir et lutter contre, avec les conséquences hasardeuses que l’on imagine ? S’adapter et transformer l’essai ?
Mon expérience m’a appris que gérer l’imprévu c’est surtout savoir s’adapter et réagir à un paramètre inconnu en s’appuyant sur la confiance et la connaissance de ses capacités et compétences.
👉 Sécuriser un max, c’est construire la confiance pour laisser le moins de raisons possible au stress de hurler.
J’aime comparer la performance et sa préparation à un voyage en voiture d’un point A à un point B. Dans tout voyages il y a une destination à atteindre, le choix de l’itinéraire, la vérification du véhicule et bien sur, le voyage en lui-même.
Pour chacune de ces étapes, voici quelques-unes de mes stratégies !
Alors, en voiture ! 😃
I/ La destination = l’objectif prioritaire
Il existe autant d’imprévus que de possibilités de s’adapter. D’expérience, la meilleure façon de trouver la réponse adéquate à une situation inconnue est tout d’abord d’être au clair avec son objectif prioritaire. Celui-ci peut être de gagner un concours, de vivre et faire vivre une expérience de dingue à un public, de transmettre des connaissances, etc …Dans mon cas, si l’une de mes cordes casse en plein jeu, ma réaction ne sera pas la même en fonction du contexte.
Si ma corde casse pendant un concours, il y a de grandes chances pour que le jury me remercie et que je rentre à la maison.
Si ma corde casse pendant un concert, je peux me servir de cet événement pour ambiancer le public, leur parler du live, créer du lien pendant que je change ma corde sur scène.
Si ma corde casse pendant une masterclass, je peux décider d’un break de 10 min pour tout le monde ou changer ma corde en direct en expliquant comment je procède. Etc…
Chaque type d’objectif induit une adaptation différente à l’imprévu et doit faire l’objet d’un travail en amont adéquat.
II/ Choix de l’itinéraire et vérification du véhicule ou comment sécuriser l’imprévu, voire l’éviter
Il y a quelque temps, je me produisais sur scène avec mon violon électrique. Tout se déroulait à la perfection. J’étais à l’aise, avec un public heureux et réceptif. Lorsque soudain, mon retour (l’enceinte disposée sur scène face à moi qui me permet de m’entendre) crashe et s’éteint …. Au beau milieu de ma phrase musicale, je me retrouve à jouer en aveugle, sans plus entendre la moindre note que je produis. Discrètement je fais signe à l’ingénieur son et lui signale le problème.
Cet imprévu a duré 1 minute max, a fait passer mon coeur de 80 à 150 000 Bpm mais ne m’a pas empêchée de jouer. Pourquoi ? La réponse tient en ces quelques mots :
Sécurisation maximale, de tout ce sur quoi je peux agir en amont !
A – Sécuriser les compétences
Sécuriser les compétences veut dire ici connaitre et maitriser le contenu de ce que l’on va proposer. Pour ce faire, voici deux des techniques que j’utilise :
- Travailler et fixer son contenu en utilisant toutes nos mémoires : mémoire auditive, mémoire visuelle, mémoire kinesthésique.
- La visualisation pour entrainer notre tête et notre corps à la durée de la performance et à l’expérience de l’énergie qu’elle va nous demander.
Je développe ces points dans l’article “Comment apprendre un répertoire rapidement”.
B – Anticiper les imprévus techniques
Cela peut sembler idiot, mais si vous saviez à quel point je me suis sentie con le jour où, arrivée sur un lieu de concert, je me suis rendu compte que j’avais oublié mon archet à la maison, sur mon bureau. Tout ça, parce que j’avais préparé mes affaires machinalement …
Depuis, je fais des listes en fonction des besoins du jour J et je prévois un double quand c’est possible : un deuxième archet, des cordes (les 4…) des piles de rechanges, une clé usb de secours, etc…
C – Défouloir psychologique ou la technique “C’est Que Des Conneries” (CQDC)
Cette technique me plaît particulièrement car elle est un vrai défouloir pour le stress généré par l’anticipation de problèmes potentiels.
- Imaginer et dire à haute voix tout ce qui pourrait arriver de pire et bien sûr trouver les solutions !
Cet exercice permet de faire remonter les infos du ventre (émotions) vers la tête (rationalisation). L’idée est que même si on ne peut pas tout solutionner, cela remet en perspective la probabilité pour certaines choses d’arriver ou pas et d’intégrer concrètement ce sur quoi on peut agir ou pas.
III/ Comment gérer l’imprévu au moment T ?
Ce travail en amont nous permet d’avoir une maîtrise optimale de nos priorités, capacités et compétences. Au moment de rentrer sur scène, nous sommes ainsi libre d’agir avec les paramètres de l’instant vers l’objectif que nous nous sommes fixés.
Voici comment je procède quelques instants avant de monter sur scène, pour réactiver tout ce que j’ai travaillé en amont, m’ancrer, me concentrer, et m’inscrire dans l’instant présent.
A – Ancrage
Je fais un exercice de cohérence cardiaque, lequel permet de calmer le stress du mental et du corps et favorise l’entrée en concentration.
B – Entrée en concentration
J’ai confiance dans ma préparation que je réactive en visualisant mon objectif. À ce moment-là, je laisse l’adrénaline monter qui, lorsqu’elle n’est plus véhiculée, est un moteur de dingue. Mentalement, je fais un pas dans cet espace de concentration, lequel peut se travailler en amont en y associant un déclencheur (geste, mot, image mental, …)
C – Hyper-conscience
J’agrandis à ce moment ma perception de ce qui m’entoure pour venir me connecter à la salle, au public, au jury, aux participants de mon webinaire, à l’autre … et j’embrasse l’instant présent. J’imagine souvent cet état d’hyper-conscience comme une tisseuse qui a à sa disposition une multitude de fils différents, dont elle connaît parfaitement la couleur, la texture, et les utilise en fonction des besoins de l’instant.
Un imprévu se pointe sur notre scène, notre pitch, devant notre public ? Accueillons-le. Faisons la différence entre l’émotion générée par cet imprévu et la réalité de celui-ci. Parce que nous avons bossé, que nous le savons, faisons-nous confiance. Telle la tisseuse évoquée plus haut, choisissons dans la palette préparée en amont le fil le mieux adapté à notre objectif de cet instant-là et, rappelons-nous que, très souvent, les imprévus donnent naissance à de magnifiques découvertes …
Vous avez une performance dans les prochaines semaines et et vous voulez arriver au jour J en confiance et avec l’envie de tout déchirer ? Je serais ravie de vous aider à vous y préparer.
Je propose un accompagnement de 5 séances spécial Jour J.
Pour plus d’informations, contactez moi ici : info@laureschappler.com
Coucou Laure,
Bel article, et très bien développé ! L’imprévu est aussi l’occasion de montrer aux musiciens qui se trouvent dans le public, et qui souhaiteraient être à notre place, que la perfection n’existe pas… et que ce moment de « vide » révèle le fait que nous ne sommes pas des « machines à jouer », mais bien des humains… tout simplement !
Perso j’adore quand un artiste, que j’admire, se plante sur scène… comme ça, pendant quelques secondes, je perçois la réalité et la difficulté d’être artiste.
Bravo pour ce bel article !
Raphaël Didjaman.